La libération de Somain par les Canadiens de la 1° Division
Par Pierre Thomas
La libération de Somain par les Canadiens de la 1° Division
Comme ceux de l’Arrondissement, les habitants de Somain attendent leur libération depuis quatre ans, en proie à une pénurie alimentaire sans précédent et aux brimades de toutes sortes.
Dès octobre 1918, la population va se trouver sous le coup d’une déportation systématique annoncée. Dans la première quinzaine ; rumeurs, recensement, départ des hommes ? Une première rafle a lieu avec le vicaire Delacourt.
La profession des mineurs de la Compagnie d’Aniche, « bénéficiant de conditions particulières de la part des occupants », est expédiée dans son intégralité, par train au départ des fosses ou péniches, vers les charbonnages belges. Ceux de De Sessevalle seront les derniers à prendre place à Marchiennes dans des péniches, en route vers la Belgique.
Dans les jours qui précédent l’attente, toutes les industries charbonnières (fosses, usines à boulets, parcs à bois, usines, installations du Chemin de Fer) pourront ainsi être « délibérément sabotées » par des équipes spécialisées du Génie allemand afin d’éviter une utilisation immédiate après le départ de l’armée d’occupation.
De la même façon, le centre ferroviaire de Somain, vidé de son outillage se trouve totalement désemparé.
Mais avant l’arrivée des libérateurs, bien des événements vont se produire à l’égal de la situation créée au chef-lieu d’Arrondissement.
SABOTAGES ET DESTRUCTIONS SYSTÉMATIQUES AVANT LE DÉPART
Paragraphe dramatique qui ponctue l’anéantissement total du tissu industriel de la commune. Le jeudi 10 octobre, 200 soldats allemands arrivent en ville. Ils ont mission de faire sauter avec des mines, tout ce qui peut être détruit. Il leur faut rendre inutilisable tout le potentiel industriel et économique, capable de fonctionner après leur départ.
LA GARE
Après le départ de l’ultime convoi de machines-outils, la gare, les voies, les prises d’eau, les aiguillages font l’objet de destructions massives et systématiques. Il en est ainsi pour les voies de la gare mais aussi de celles courant vers Valenciennes et Lourches.
Le summum de la félonie est atteint avec le déferrage des voies principales de Douai à Valenciennes, de Somain vers Cambrai ainsi que sur des centaines de kilomètres. Le procédé employé est diabolique. Deux joints de rails sont déboulonnés en bout de ligne et sont relevés à l’aide d’un cric. Sur les deux moignons formant sailli par rapport à l’assise de la voie, est engagé une sorte de boucle en rails, courbés à la forge, se terminant en V pointu dans l’axe de la voie. Au bout de ce V, on attelle une locomotive. Derrière le passage de la machine, la boucle arrache les deux fils de rail en glissant sur les traverses qui sont mises hors d’usage, par l’arrachage des tire-fond.
A ce sinistre bilan, il faut ajouter les démolitions exécutées sur les voies ferrées du réseau interne de la Renaissance. Toutes les voies sont sautées et les signaux sabotés. La voie courante qui, de de Sessevalle mène à la gare de Somain par des ouvrages d’art qui la supportent, est elle-même sabotée et les cinq ponts sont dynamités. Culées et tabliers sont totalement détruits avec rails tordus et traverses cassées.
A Fenain se trouve un établissement, situé à l’embranchement des voies de Valenciennes et d’Orchies, fournissant en eau le dépôt des locomotives de Somain. Lui aussi est dynamité et détruit en totalité.
LES FOSSES
En ce qui concerne le personnel mineur d’Aniche et d’Auberchicourt, cela a été dit, il doit se rendre en gare d’Abscon, le 3 octobre, en compagnie du Directeur M. Lemay, pour embarquer dans un train devant se rendre en Belgique par la voie d’Anzin et la gare de Péruwelz.
Ces départs doivent précéder l’arrivée des équipes du Génie, chargées d’anéantir les lieux de production, en faisant sauter les cuvelages et dynamitant complètement les installations. Ces opérations sont signifiées préalablement à M. Lemay qui s’insurge sur le procédé diabolique. Rien n’y fait.
LA FOSSE DE SESSEVALLE
Les 1° et 2 octobre, des camions amènent sur place des explosifs destinés à perpétrer l’œuvre de sabotage. Ils sont déposés au Magasin. Leur volume atteint trois mètres cubes.
La destruction commence, le 8, par le dynamitage des Usines à boulets. Tout le matériel et accessoires ; broyeurs à brai, mélangeurs, vis d’Archimède, tours d’emmagasinage et de chargement sont détruits, endommagés ou enlevés. Les moteurs électriques ont disparu et la machine à vapeur est endommagée.
Le jour suivant 9 octobre, se produit l’anéantissement de la salle des machines du puits. Le bâtiment en maçonnerie est en ruine, complètement détruit. Un compresseur sur les deux présents est totalement inutilisable, l’autre est endommagé mais réparable. Les deux ventilateurs, Rameau et Mortier, sont détruits avec la machine à vapeur alimentant celui du type Mortier. Les groupes électriques convertisseurs et ceux de secours sont anéantis. L’outillage et les pièces de rechange ont disparu. Il en est de même au poste de transformation, pour le transformateur. Le pont bascule de 40 tonnes est vidé du matériel de pesage qui a été enlevé.
Le 10 octobre, la fosse à brai est incendiée. Les préposés à la destruction essayent d’enflammer le brai présent dans la fosse en y jetant de l’huile. Le feu prend mais en fondant le brai forme une couche superficielle sur laquelle l’incendie s’arrête. Néanmoins, 200 tonnes sont perdues sur les 1200 présentes. Le sinistre atteint les générateurs et toute l’installation du puits n° 2. Le 12, les explosions endommagent les colonnes du triage et les voies ferrées qui se trouvent en dessous.
Au puits n°1 et 2, les murs du bâtiment sont écroulés sur plus de moitié de la hauteur. Le reste menace ruine. Les machines d’extraction sont en morceaux. Les câbles en aloès ont disparu. Le treuil de secours a son tambour brisé. Les chevalets sont cisaillés à 3 mètres de hauteur au niveau du plat. Ils reposent, fortement inclinés sur le plat du moulinage. Toutes les cages sont brisées. Une cage au clichage est détruite. La charpente est effondrée. Dans les puits eux-mêmes, il n’y a pas trop de dégâts.
Le bâtiment en maçonnerie de la chaufferie est totalement détruit. Les massifs en briques des chaudières sont inutilisables. Toutes les chaudières, sauf une, ont été dynamitées. On a vu que les deux cheminées de 45 mètres avaient été abattues. Les installations sont, soit détruites, soit enlevées.
Dans l’installation du criblage triage, toute la construction en fer et en verre est sérieusement endommagée avec les poutrelles tordues. Un tiers a été dynamité, ce qui a entraîné la détérioration de la charpente et des organes intérieurs.
A la lampisterie, la couverture du bâtiment et la vitrerie sont démolies. Toutes les lampes ont été enlevées ou rendues inutilisables. Il en est de même pour le matériel de rechange, l’outillage, les pompes, etc.
Dans les bureaux et atelier, si le bâtiment a peu souffert, tout l’aménagement intérieur des bureaux, l’équipement et le matériel de l’atelier, sont détruits ou ont disparu.
Le matériel des ponts bascules a disparu.
Le portail d’entrée du carreau est fortement endommagé.
Parmi le matériel roulant : berlines, chars à bois, trente à cinquante pour cent du parc sont détruits.
Enfin il faut ajouter que, par la force des choses, même si les cuvelages des puits restent intacts, les installations du fond se voient totalement noyées et hors d’usage.
Le 15, le travail de destruction se termine par l’abattage des deux cheminées, la démolition des générateurs de vapeur et le sabotage de toutes les voies de chemin de fer. Naturellement le réseau interne est totalement dévasté. Trente et un appareils d’aiguillage sont dynamités et les traverses spéciales correspondantes, cassées. La voie de servitude, menant aux corons en construction, est enlevée sur 540 mètres
De part et d’autre, vers Lemay, vers la Renaissance, la situation est également peu enviable dans les deux sens. On a vu plus avant, ce qui reste des ponts au-dessus de la gare de Somain, supportant la voie en provenance de de Sessevalle.
Côté Rieulay, le pont supérieur sur la route de Rieulay à Bruille est dynamité. Culées et tablier sont détruits. Dans le garage du terril de Rieulay, tous les rails des voies ont sauté.
LA FOSSE St LOUIS
Le puits d’extraction est dynamité et détruit en totalité. Le 1° octobre ordre est donné d’arrêter les activités alors que les machines sont en ordre de marche. Le 2 octobre à 16 heures, un camion sous la responsabilité d’un sergent « à mine farouche » inspecte les lieux avec six hommes. Il veut un local pour décharger quatorze caisses de dynamite et sept obus de 150 millimètres de diamètre et 680 millimètres de hauteur. Après avoir examiné les locaux, il jette son dévolu sur le local du téléphone.
Le lendemain, 3 octobre à 7 heures, 11 hommes envahissent le local de la bascule de vente et commence le pillage, après avoir expulsé le surveillant présent. Avec un caporal et six hommes, ils démontent les chaudières et chargent les pièces sur un camion. Les caisses de dynamite sont portées à la machine d’extraction et à la recette. La première explosion retentit à 11 heures 45, pour la machine d’extraction et le chevalement alors s’affaisse. La seconde à 15 heures 30, met à mal les chaudières, le balcon et deux ascenseurs de la chaufferie.
Le lendemain, ils posent les obus dans le puits et mettent le feu à l’atelier après l’avoir vidé de ses outils. Ils enfoncent les portes des armoires des placards et emmènent les balances les séries de poids et tout le matériel sanitaire. Deux jours après, ils aspergent le parc à bois d’essence et essaient d’y mettre le feu. L’intervention d’un agent venu se rendre compte du désastre arrive à les en dissuader.
Dans le bâtiment de la chaufferie dynamité, les chaudières sont hors d’usage et les deux cheminées sont abattues. La quasi-totalité du matériel y compris les berlines est saccagé et endommagé, aux quatre cinquièmes.
Leur forfait accompli, les soldats se retirent pour se diriger vers Casimir-Perier afin d’exécuter un travail analogue.
La fosse St Louis disparaît pour toujours de l’horizon somainois.
LES USINES DE LA RENAISSANCE
Les dégâts sont considérables. Ils affectent aussi bien les bâtiments eux-mêmes que le matériel de production qui y était présent. Le spectacle est saisissant
Le bâtiment en briques de la chaufferie, datant de 1905, d’une superficie de 1 000 mètres² sur une hauteur de 11 mètres 50 est totalement détruit. Les charpentes métalliques sont déchiquetées et tordues. Les 14 générateurs de chauffe sont dynamités et gravement endommagés. Les deux cheminées, de 46 mètres de haut, sont abattues comme l’est le cendrier. Tous les tuyaux d’eau et de vapeur, en cuivre ou métal, sont préalablement enlevés tandis que l’appareillage électrique est détruit.
Le bâtiment de la salle des machines, lui aussi datant de 1905, d’une superficie de 500 mètres ² sur une hauteur de 15 mètres, connaît également la destruction intégrale. L’incendie des bureaux en bois, situés sur le plafond de cette salle des machines, a provoqué la déformation complète des poutres qui raidissaient les fers du plafond. Ceux-ci se sont affaissés ce qui a provoqué le décollement des murs de façade. La destruction de l’atelier de mélange du lavoir qui s’appuyait sur une façade de cette salle des machines a activé la détérioration complète de cette façade. Deux machines à laver type Crépelle de 1905, un turbo alternateur, système Rateau, sont dynamités et détruits. Il en est de même pour le tableau électrique ainsi que pour le pont roulant.
Le lavoir atelier de mélange qui s’étend sur une superficie de 1600 mètres² sur une hauteur de 24 mètres est totalement détruit avec le matériel se trouvant à trois rangées de piliers, sur les cinq présentes, sont dynamitées. Les piliers sont coupés par les explosions à 1 mètre au-dessus du sol ce qui provoque l’effondrement total de plus de la moitié du bâtiment et la destruction totale de sa couverture.
En fait, tout le bâtiment est hors d’usage.
Bureaux et magasins sont incendiés et détruits avec, inclus, le mobilier, l’outillage et les pièces de rechange.
L’écroulement de l’atelier de mélange du lavoir a entraîné la destruction des deux grands transporteurs, sur une longueur de 15 mètres. La partie restante est avariée par suite du choc de la rupture.
Le bâtiment de l’usine à briquettes n° 1, datant de 1873 et remis à neuf en 1902 dans un bâtiment d’une superficie de 450 mètres ², sur une hauteur de 5 mètres 80 a fort souffert de l’explosion de la presse.
Il en est de même pour la bascule de 40 tonnes, le train de chargement, l’installation pour essais d’agglomération.
Comme son homologue, le bâtiment de l’usine à briquettes n° 2, datant de 1893, rachetée par la Compagnie d’Aniche en 1902, a souffert de l’explosion de la presse. Le pignon est fendu les portes sont arrachées, la charpente presque totalement détruite. La presse est totalement inutilisable du fait de l’explosion ainsi que tous les appareils qui lui sont afférents : moteurs, commandes, etc.
Pour les usines à briquettes n° 3, 4 et 6 plus récentes, datent de 1906 (3 et 4), 1911 (6), les murs du bâtiment sont écartés à la suite des explosions successives des différentes presses. La charpente est gravement endommagée. Toutes les presses à briquettes ont été dynamitées et sont hors d’usage. Il en est de même de tous les appareils avoisinants : broyeurs à brai, malaxeur, bascule, distributeurs de charbon, transporteur avec leur moteur, etc. Les fours de séchage ont leur maçonnerie réfractaire à refaire. Tout l’appareillage annexe : monte-charge, moteurs trolley sont ou détruits ou sérieusement endommagés.
Une constatation identique de destruction systématique s’impose pour toutes les autres parties de l’usine. Les bureaux sont incendiés avec leur mobilier. L’outillage a disparu des magasins et ateliers. Toute l’installation électrique utilisant la force au départ de la sous-station est détruite. Il en est ainsi pour l’équipement de l’atelier de réparation principal dont la charpente métallique est très gravement endommagée.
L’usine possède plusieurs laboratoires. C’est également la désolation en leur sein. Le laboratoire principal, datant de 1910, voit sa toiture désagrégée et les appareils précieux sont détruits. Celui des essais de fusibilité des cendres, datant de 1911, est quant à lui incendié en même temps que les tours de l’usine n° 1 avec lesquelles il était contigu. Au laboratoire de la marine, tout récent puisque installé en 1913, tout l’appareillage de précision a été enlevé et a disparu.
Ici ou là, le feu a été mis, en particulier aux réservoirs d’huile. Toutes les matières inflammables ont été carbonisées.
Il est inutile de développer ce qui est advenu des matériels sanitaires : baignoires, douches, etc. Bien entendu le harnachement des chevaux a été enlevé de la sellerie. Pour en terminer, les installations ferroviaires et le matériel roulant sont saccagés et détruits.
Ce rapide survol dans les trois paragraphes, précise de l’ampleur des sinistres subis par la Compagnie des Mines d’Aniche pour les seules installations présentes sur le territoire de Somain. Il va falloir reconstruire avant d’envisager la reprise.
Le chantier est bel et bien anéanti.
LA FOSSE CASIMIR-PERIER
Le 4 octobre, le Directeur de cette Compagnie reçoit l’ordre d’arrêter les activités dans toutes les fosses et le départ des mineurs est lui aussi programmé, vers la Belgique.
La situation de la fosse Casimir est un peu différente. Arrêtée en 1914, l’exploitation y reste figée pendant toute la guerre, les travaux étant reportés sur la fosse St Mark d’Escaudain avec laquelle elle est reliée dans le sous-sol. Un programme de modernisation avec écuries, bureaux, etc. avait été entrepris dans les mois qui avaient précédé le déclenchement de la guerre en 1914 est naturellement arrêté.
Cette particularité ne modifie en rien les intentions des Allemands. La destruction des installations est dans le programme établi d’anéantissement.
Quand le dynamitage et les destructions sont terminées à la fosse St Louis, l’équipe de sabotage se rend, le 6 octobre, à Casimir. Les mêmes causes produisent les mêmes effets.
Toutes les installations du jour sont rendues inutilisables. Il en est ainsi pour le chevalement en bois qui est dynamité et abattu, des machines d’extraction sabotées par explosion, de la chaufferie, des installations d’exhaure et tous les dispositifs qui concourent à la marche des activités ; compresseurs, moulinage, chargement en wagons, élévateurs de matériaux, appareils de manutention, cages, etc. La salle de criblage est détériorée par la chute des débris des explosions. Les cheminées sont également dynamitées. La sous-station électrique est hors d’usage.
Si dans le puits, le cuvelage ne saute pas, les installations du fond se trouvent noyées dans leur grande majorité. Comme précédemment, tout ce qui en est, comme tuyauterie et métal, est démonté et chargé sur camions pour un départ vers l’Allemagne.
Naturellement, le réseau ferré de la fosse est totalement bouleversé. Il faut savoir que les installations sont longées par la ligne du Chemin de Fer d’Anzin et qu’un chantier de triage a été emménagé par les Allemands à proximité. La voie et le chantier sont eux aussi dynamités dans les ultimes jours après le passage de l’ultime convoi qui enlève les matériels du dépôt de Somain et les voies sont bouleversées. Les cabines d’aiguillage, donnant l’accès à la fosse, sont détruites. Comme pour St Louis, la fosse Casimir n’est plus qu’un monceau de ruines.
Cet anéantissement systématique va d’ailleurs être bénéfique pour la fosse. En effet, elle est de construction ancienne. Le remplacement du matériel fera appel à des machines plus modernes et plus performantes faisant appel à la force électrique en remplacement de la vapeur.
Pour mettre un terme à ce sombre panorama, sortant du domaine industriel, on notera qu’à de Sessevalle les arbres de a place sont sciés à hauteur d’homme pendant que le moulin en face de l’église N Dame des Orages est incendié ainsi que l’oratoire à la Vierge de 1823 à proximité du bâtiment d’église.
LES OPÉRATIONS MILITAIRES QUI ONT AMENÉ LA LIBÉRATION
En place sur le front de la Sensée et de la Scarpe supérieure, après avoir bousculé la ligne Hindenburg, les Alliés anglo-canadiens ne réussiront pourtant pas, malgré leur vélocité, à encercler l’Armée de Ruprecht. Grâce à son repli à partir du 15 octobre, celle-ci arrive à s’installer sur la rive droite de l’Escaut, entre Valenciennes et la frontière belge, et livrera ainsi des combats d’arrière-garde meurtriers de grande envergure, pour défendre la ville de Valenciennes. Celle-ci ne tombera que le 1° novembre.
Seules, des troupes retardatrices, dans le no man’s land douaisien, ne peuvent que freiner l’avance. Cette stratégie n’en sauve pas moins la ville de Somain et ses environs. Nœud important de communications, une défense beaucoup plus ferme, aurait pu lui être fatale.
L’OFFENSIVE CANADIENNE
Après s’être vu confier l’objectif de tenir sous son feu, la route : Dury, Lécluse, Tortequesne, la 2° Brigade arrive in fine sur la rive du canal, encore fortement défendue.
Le 10 octobre au soir, l’E-M de la Division apprend que la 8° Division britannique a enfoncé la ligne Hindenburg vers Lens-Drocourt, provoquant ipso-facto la retraite des forces allemandes vers Douai et la Scarpe avec pour objectif la libération de la Cité de Gayant. Aussitôt les bataillons des Brigades sont envoyés en avant. De fortes oppositions contrarient l’avancée. L’objectif immédiat est alors de s’installer sur la rive droite du canal depuis Corbehem et Férin, au débouché de la route, jusque Arleux avec si possible prise de cette dernière position fortifiée. C’est ce qui se passe dans la nuit du 11 au 12.
Arleux fortement défendu tombe après de très durs combats. La prise de la ville et sa neutralisation sont très importantes car ce point fortifié aurait été susceptible d’inquiéter les forces de la brigade, déployées le long du canal.
Le front se stabilise ainsi sur la rive sud et est, du 12 au 17, dans une sorte de base de départ. C’est en fait le 17 au matin, que la marche en avant commence pour les forces de la Brigade, installées cette fois jusque Férin.
Pour la compréhension, le texte sera orienté sur trois axes différents représentant les diverses avancées sur tout l’Ostrevant, entre la Scarpe au nord jusqu’à la Sensée au sud du territoire
LA MARCHE EN AVANT SUR LE SECTEUR CENTRAL
Le plan est ainsi défini.
Une fois la traversée décidée et obtenue, il s’avère nécessaire de l’élargir au maximum pour entrer en possession de points stratégiques sur la rive gauche, d’où pourront se développer des actions et soustraire les passages à la vue de l’ennemi pour qu’ils puissent s’effectuer en force. Il s’agit en fait de se rendre maître des toutes les hauteurs avoisinantes en particulier de Lewarde et d’Erchin, au départ desquelles l’artillerie adverse pourrait gêner les passages.
Deux bataillons sont chargés de réaliser ce plan vers les collines d’Erchin. Puisqu’il n‘a pas été possible de tester la résistance, ordre est donné de s’assurer la maîtrise de ce village, au pied de la crête. Le mouvement est mené rapidement et avec succès. Au début de l’après-midi, la poursuite de l’ennemi en retraite commence pour les bataillons engagés.
L’opération, engagée le matin du 17 avec détermination, est considérée comme réussie. La traversée du canal peut commencer pour les éléments lourds (artillerie services, etc.) après construction de passerelles et de ponts par le Génie de la Brigade.
En fin de soirée, la Brigade possède une pointe avancée. A la nuit tombante, le village de Lewarde est atteint et le bataillon fait 50 prisonniers. Dans la nuit du 17 au 18 et à l’aube du 18, les positions des quatre bataillons de la Brigade sont bien installées sur la crête de Lewarde à Erchin avec pour eux l’objectif, au lever du jour, de poursuivre la marche en avant comme prescrit par l’E-M de la Division, deux bataillons en première ligne, les deux autres en soutien.
C’est ce qui se passe, dès 6 heures le 18 au matin, par un brouillard intense. Une arrière-garde allemande est surprise à la sortie de Lewarde et une nouvelle fois, un officier et 50 hommes sont fait prisonniers. L’avance est menée par deux bataillons, les autres étant en réserve, comme adopté dans la tactique des opérations. Une forte arrière-garde ennemie tente de s’opposer et de stopper le mouvement à Masny et en avant d’Ecaillon. Les patrouilles d’assaut et les troupes montées à cheval attaquent l’îlot de résistance. Elles y pénètrent, « en tuant beaucoup de mitrailleurs et en faisant de nombreux prisonniers ».
Masny est pris en fin de matinée et Ecaillon aussitôt après. C’est alors qu’une nouvelle résistance ferme s’organise sur le terril de Ste Marie à Auberchicourt. Il faut toute l’après-midi pour en venir à bout.
Entre temps, l’EM de la Brigade fait mouvement de Lécluse vers Gœulzin mais par suite de l’avance de plus en plus rapide des bataillons de pointe, il se transporte à 15 heures 45 à Roucourt.
En fin de soirée, le 10° Bataillon pousse alors en direction de Bruille-lez-Marchiennes. A leur grande stupéfaction les troupes d’assaut s’aperçoivent que le village est occupé par des civils ce qui n’était pas le cas depuis le départ de l’offensive. Aussitôt, ordre est donné d’arrêter les bombardements par artillerie pour ne pas faire de victimes. A ce point du récit, il faut savoir que la population de Somain et environs est sous le coup des obus alliés depuis le 17 et une grande partie du 18.
La cessation des bombardements se concrétise vers 17/18 heures. Cela est corroboré par des témoignages civils. Le 18, des soldats allemands rapportent à des personnes chez qui ils logent à Somain, présentes dans les caves, que le village de Lewarde est pris par les Alliés à 13 heures.
Cet arrêt de bombardement permet aux batteries allemandes, en position à Fenain et au Prétolu, de décrocher de leurs positions à la nuit tombante, en direction de la forêt de Raismes.
A 17 heures, les unités canadiennes stoppent sur leurs positions sur ordre du QG de la division. Elles n’iront pas plus avant, ce qui retarde d’autant la libération de Somain et des villages environnants. Le QG a décidé de remplacer dans la nuit la 2° Brigade par la 3° qui se trouve en réserve.
Le front se stabilise ainsi pour quelques heures sur une ligne qui part de Pecquencourt, passe entre Ecaillon et Bruille et s’enfonce vers le hameau de Traisnel, près de la fosse du même nom et Auberchicourt. Cette décision stratégique permet aux Allemands de dynamiter les principaux carrefours de la ville de Somain.
L’opération de mutation des Canadiens prend toute la nuit et ne se termine qu’au lever du jour, le 19. Les unités, assurant la relève, sont amenées sur place par camions.
LE 19, JOURNÉE DÉCISIVE
Les derniers éléments ennemis se sont évanouis dans la nuit non sans avoir fait sauter les principaux carrefours de la ville de Somain. Il n’y aura donc pas de résistance organisée sur la ligne d’attaque.
Après avoir quitté Erchin en camions vers 6 heures, le 14° Bataillon traverse à 9 heures les positions tenues à Auberchicourt par son homologue de la veille et commence le mouvement. Il passe au centre de Somain, vers 11 heures, et sur le côté sud de la ville ; quartier de la Renaissance, gare, quartier hors-barrière, Casimir-Perier. Prenant la fosse Agache de Fenain en tangente, il atteint le côté droit du village d’Erre à 1 heure de l’après-midi puis Hornaing à 1 heure et demi, heure à laquelle il stoppe son action après s’être installé dans le village. Son homologue de réserve suit dans la foulée sans rencontrer la moindre résistance.
Un point du journal de marche mérite un développement particulier. Il est en relation étroite avec le comportement des civils de Somain et environs, présents après avoir échappé à l’évacuation. « A Somain, les rues de la ville étaient bordées de civils joyeux en train de nous acclamer. Ils tenaient à apporter aux troupes du café, du pain et des bouquets de fleurs. Les expressions de soulagement et de remerciement de leur part pour leur libération ne seront jamais oubliées par nos hommes. La profondeur de leur patriotisme inné qui, quatre années durant sous la férule, n’avait pu être éteinte, résonnait à l’extérieur d’une voix nettement résolue. Vive la France ! Les trois couleurs ont été sorties de leur cachette. Elles flottaient majestueusement dans la brise. La ville était en proie à une agitation et frénésie de ravissement. » (D’après la traduction)
Ce passage corrobore les témoignages écrits locaux, recueillis auprès de personnes qui ont vécu l’événement.
Conjointement l’avance est exercée par le 16° Bataillon, qui libère la ville sur le côté nord ; Villers-Campeau, de Sessevalle, le cimetière, le Prétolu vers Fenain. Il est intéressant d’étudier les écrits du Bataillon en support.
Parti de Roucourt à 7 heures 30, c’est à Bruille-lez-Marchiennes que les unités prennent la position de combat. Elles débouchent à travers le bois de Villers, arrivent dans le village où elles doivent contourner les destructions des ponts. Elles poursuivent vers Somain, Fenain, Erre et prennent position en soirée et pour la nuit au nord d’Hornaing, sur la route qui relie le village à Wandignies-Hamage. Le PC du bataillon s’installe au château qui se trouve entre les deux derniers villages.
Le journal de marche fait à nouveau, une longue digression sur le comportement des civils. « Durant l’avance unique dans l’histoire du bataillon les villages étaient traversés encore occupés par les civils (terme à retenir en opposition avec ce qui s’est passé la veille). Ces civils manifestèrent un grand enthousiasme dans les différents endroits en voyant les soldats canadiens. Ils ont trouvé le moyen de présenter les drapeaux français et de décorer leurs maisons. Les habitants se tenaient dans l’encadrement des portes pendant que les hommes passaient. Ils les acclamaient continuellement. Les gens sont apparus frénétiques de joie, débarrassés des Huns après quatre ans de souffrance et d’épreuves sous une pesante férule. Ils montraient leur satisfaction en offrant ; café, bière et toute sorte de nourriture que chacun avait pu obtenir. En réalité, on peut dire qu’en général ils disaient « tous nous sommes des vôtres » (d’après la traduction).
Après le passage des premiers éléments, les cratères aux carrefours dans la ville et les villages occasionnés par les équipes du Génie allemand sont rebouchés avec l‘aide de la population. En fin d’après-midi, commence le passage de longs convois en route vers Fenain, Erre afin de soutenir les premières lignes en position à Hornaing pour une avancée le lendemain matin vers Wallers
Aussitôt à Somain, les services s’installent. Les fermes servent de logements pour les hommes et les voitures tandis que les camions sont garés sur la place.
Mais surtout, la ville est le lieu où prennent place des ambulances militaires. L’une d’elles prend possession de l’Institut Ophtalmique (encore en activité de nos jours), clinique des yeux, dirigée par le Dr Dransart Une seconde utilise les locaux de l’école Ste Anne.
Une troisième est montée à Auberchicourt. Ces antennes vont hélas servir aussitôt car une ligne de résistance est amorcée dans la forêt de Raismes, en avant de l’Escaut et les blessés sont évacués sur Somain en urgence.
L‘ambulance installée dans l’Institut se transforme rapidement en hôpital militaire. Celle de Ste Anne est doublée par une seconde dans les locaux de l’école V Hugo. Ces établissements, les jours suivants vont recevoir les blessés de la bataille meurtrière de Valenciennes des 30, 31 octobre et 1° novembre.
Il faut souligner que les majors militaires commencent à soigner également les civils français durement touchés par la maladie.
EN PARALLÈLE AU NORD, LA PENÉTRATION DE LA 1° BRIGADE
Dans la journée du 17, les Allemands ne répondent plus aux tirs d’artillerie déclenchés contre eux. Ordre est donné à la Brigade d’envoyer des patrouilles d’assaut au-delà du canal, dans la matinée.
Elles s’élancent alors au début de l’après-midi et s’enfoncent sur une distance de 1000 yards (920 mètres) en profondeur. Vers 16 heures, elles arrivent à s’établir dans la banlieue de Sin-le-Noble, aux lisières de Dechy, au-delà de la route nationale Douai/Cambrai avec un barrage sur la voie ferrée.
Le gros des forces traverse le canal toute la nuit sans incidents. La marche en avant prend alors effet le 18 à 9 heures, avec aussitôt contacts à l’ennemi dès 10 heures. Ils sont le fait de points de résistance avec quelques hommes servant une mitrailleuse. Ordre est donné de dépasser ces môles, à charge pour les troupes de soutien de les réduire.
L’avance est menée sur deux axes à travers les marais de Sin et Dechy, par deux bataillons de la Brigade ; le 1° à droite le long et de part et d’autre de la voie ferrée Douai/Valenciennes, le 4° à gauche avec comme limite, la rive droite de la Scarpe à partir de Lallaing. Chacun reçoit le soutien d’une batterie d’artillerie. L’emploi d’automitrailleuses de soutien est rendu impossible car tous les carrefours routiers ont sauté dans la nuit ainsi que les ponts. L’avance pédestre est maintenue sur ce rythme dans la journée, malgré les tirs de l‘artillerie adverse.
Après avoir dépassé les villages de Loffre et Montigny, une ligne de front est établie entre Pecquencourt et Rieulay, à travers le terril en cours d’aménagement. Jusqu’alors la Brigade n’a rencontré que des villages vides mais, arrivée à Pecquencourt, elle libère un grand nombre d’habitants « affamés » (environ 2000), sur le point d’être évacués par les Allemands. Ceux-ci dans la précipitation viennent de quitter les lieux, dix minutes plus tôt.
La Scarpe fait la limite entre les unités engagées, l’avance sur la rive gauche étant réalisée par la 8°DIW britannique. A droite, la Brigade donne la main à Ecaillon, à son homologue le long de la ligne Chemin de Fer. Les unités avancées prennent position dans des trous creusés par les Allemands pour leur position de tir, le long du chemin de fer des Mines, abandonnés en catastrophe, tant l’avance a été rapide.
L’état-major de la Brigade s’installe à Montigny tandis que les bataillons de soutien cantonnent respectivement au bois de Montigny et à Loffre. Ils doivent être prêts à reprendre l’avance le lendemain 19, en position avancée
Une réflexion consignée dans le journal de marche de la Brigade est révélatrice de la surprise totale des Canadiens, au vu de la tournure des événements. « Un appui par des troupes montées de la cavalerie aurait permis d’exploiter le succès et peut-être de décimer totalement la XVII° Armée avant son regroupement devant Valenciennes. ».
LE BOND EN AVANT POUR ELLE
Mais l’avance est constante, contrariée néanmoins par un temps tenace de pluies avec une visibilité de plus en plus restreinte. Comme la veille, elle se développe sur deux axes.
Celui de droite passe par les villages de Rieulay et Marchiennes-Campagne (aujourd’hui faisant partie de la commune de Rieulay) à peu près à la même heure que les unités qui passent par le Centre de Somain C’est à celui-ci que revient la libération de toute la partie nord de la ville : Cité de de Sessevalle et Marais des Onze Villes. Il s’enfonce alors dans le marais de Fenain.
Celui de gauche continue l’effort de son prédécesseur, le long de la Scarpe, bordure la ville de Marchiennes pour se retrouver le soir à Wandignies-Hamage, commune libérée dans l’après-midi.
Les deux se retrouvent, le 19 au soir, en position le long de la route d’Hornaing à Wandignies, avant d’engager l’offensive le lendemain matin
Cavalerie et escadrons de cyclistes sont utilisés pour des missions de liaison.
Une certaine résistance ponctuelle occasionne quelques pertes ; trois tués le 18 et 19 enterrés au cimetière civil de Pecquencourt, un autre, au cimetière de Vred. Un soldat est gravement blessé, rue des Sarts à Rieulay.
Il est précisé que l’action de l’aviation est nulle, étant donnée la mauvaise visibilité.
Pendant la journée, les services de la Brigade suivent les compagnies de pointe. L’état-major qui, la veille, était arrivé à Montigny se transporte en fin de matinée à Rieulay où il s’installe dans la brasserie Decloquement du village et la maison de son propriétaire. Il y reste toute la journée. Le service médical sous le commandement du Capitaine Thomas établit une Ambulance militaire où arrivent les blessés par voitures motorisées
Un rapport du Commandant de la Brigade situe l’ambiance de la journée dans les villages, identique à celle notée par les homologues. Il considère cet aspect de la marche en avant, comme le plus important de tous ceux qui ont présidé jusqu’alors durant toute l’opération.
Il porte lui aussi sur l’accueil reçu par les populations lors du passage des troupes. Il est difficile d’imaginer la joie ressentie par les habitants. Les bataillons de réserve défilent dans les villages avec fanfare, jouant continuellement la « Marseillaise ». « Des hommes âgés, des femmes, des enfants au bord de l’hystérie, se jetaient eux-mêmes sur les hommes de troupe s’accrochant aux chevaux des officiers, à tel point que la progression en devenait difficile. Ils s’efforçaient de donner aux troupes leur maigre approvisionnement jusqu’à ce qu’ordre fut donné par les officiers de ne plus accepter. Tous les militaires de tous grades étaient conduits dans les maisons. » Le Commandant rend hommage à tous ces civils qui, dans la mesure de leurs moyens, ont réalisé un travail « splendide » en rebouchant les cratères de bombes aux carrefours, avec les matériaux issus des ruines de leur propre maison.
Au soir du 19, la ligne de front s’installe le long de la route qui mène d’Hornaing à Wandignies.
Au-delà de la Scarpe, vers Marchiennes et Orchies, la marche libératrice est le fait de la 8° DIW qui est passée à Douai.
DANS LE CÔTÉ SUD DE L’ARRONDISSEMENT
Installée au-delà du canal vers Ecourt-St Quentin en provenance d’Arras, en soirée du 17, les informations lui font savoir que les Allemands sont en train de se retirer. Aussitôt, après avoir traversé le canal, des patrouilles poussent vers Bugnicourt et Villers-au-Tertre. Devant le peu de résistance, les bataillons occupent les villages en fin de nuit. Le 102°, traverse le canal en fin de nuit du 17/18 à Aubencheul-au-Bac, poursuit l’avance le 18, à partir de 9 heures. Il rencontre une résistance vers Monchecourt et la fosse St Roch mais arrive cependant à la nuit, à la lisière ouest d’Auberchicourt légèrement en retard sur son homologue de la 1° Division. L’état-major de la Brigade fait mouvement pour s’installer au château de Bugnicourt.
Le bataillon n’attend pas la fin de la nuit. Dès l’aube du 19, il continue son avance pour prendre Auberchicourt et Aniche et dans la foulée s’empare d’Abscon, avant d’atteindre « la ligne de Chemin de Fer » à l’ouest d’Escaudain. Il s’agit de la ligne de Chemin de Fer de Somain à Lourches au lieu-dit Six Mariannes.
Dans cette stratégie, cette unité délivre toute la partie sud de Somain au lieu-dit Les Quatre Chemins et le hameau de Casimir-Perier, en liaison avec celles qui passent par le centre et le nord de la localité. A la fin de la journée, après avoir contourné un môle de résistance « avec mitrailleuses et fusils », elle se présente à l’ouest du hameau de Bellevue, à Denain, où elle est relevée par un autre bataillon de la Brigade.
Au soir du 19 octobre, Somain, tout le Douaisis et l’Ostrevant sont ainsi libérés, quasiment sans combats sérieux. Deux jours ont suffi. Le front s’établit alors sur une ligne qui part de la périphérie ouest de la ville de Denain, s’enfonce par Escaudain pour rejoindre le village d’Hornaing.
Dans toutes les agglomérations du Douaisis : états-majors et troupes de soutien s’installent dans les bâtiments publics, fermes et maisons particulières.
« L’occupation canadienne » va durer vingt deux jours jusqu’au 11 novembre, non sans voir au château de Villers-Campeau et à Somain, la visite du Prince de Galles (futur Edouard VIII) qui va loger une nuit dans une chambre de l’Institut.
Le 11 novembre à 11 heures, tout est calme à Somain. La nouvelle est parvenue dans les PC à neuf heures. La revue programmée sur la place n’aura pas lieu. Sur le plan civil, rien ne transpire. La réunion du Conseil Municipal prévue dans l’après-midi n’en parle même pas. Seule manifestation improvisée ! Les unités canadiennes ont organisé un feu de joie dans la plaine, entre Somain et Fenain, auquel elles ont convié la population civile pour marquer l’événement. Le lendemain, elles quittent Somain en direction de la Belgique pour aller occuper la région de Mons.
Quatre années de cauchemar ont pris fin en quelques jours, mais hélas, sur un champ de ruines.